Hier soir, sur les conseils de Monsieur le Chien, je suis allée voir un blog étrange ; étrange ne serait-ce que parce que je ne m’attendais pas à tomber sur ce genre de blog en venant de chez le Chien.

Au départ, ça m’a prodigieusement agacée. Le titre, le header en pastiche de la Jeune fille à la perle, les photos de la blogueuse, les textes qui se donnent des airs… Je me suis dit qu’il s’agissait (encore) d’un truc nombrilocentré sur le mode grave, sérieux, propre à l’adolescence. Chloé se prend en photo, elle prend aussi des gens en photo, mais il y a surtout des clichés d’elle. Elle est très belle, et elle le sait. Son principal sujet, c’est elle, elle se regarde évoluer, elle s’écoute parler.
Et finalement, je suis restée, et j’ai parcouru ce blog, parce qu’il y avait quelque chose qui me retenait.

Au niveau de l’écriture, c’est un peu prétentieux, ça se veut écrit (J’ai commandé un Lapsang Souchong, parce que c’est le thé de toutes les poésies : celui qui sent la vraie terre, ce n’est pas un thé apprêté aux petites fleurs.) Ça manque sévèrement de modestie et de personnalité.
Les photos, elles, sont très belles, même si elles ne me touchent pas.

Ce qui me touche, finalement, ce n’est pas l’écriture ou la beauté des photos. C’est plutôt la démarche. Chloé se montre, elle joue le jeu du blog jusqu’au bout, elle assume son égocentrisme. Elle ne cherche pas à (se) faire croire qu’elle écrit pour les autres. Elle n’a aucun complexe à se trouver belle. Je trouve ça rare à cet âge (19 ans, peut-être un peu plus), ou en tout cas, si ça me touche, c’est peut-être parce qu’à 19 ans, j’étais l’exact opposé de ça. D’ailleurs je ne suis pas beaucoup plus vieille maintenant, et je suis toujours l’opposé de ça.
Avoir un blog, fondamentalement, c’est considérer que ce qu’on écrit mérite d’être lu et commenté. Pourtant, la plupart des gens – moi la première – font comme si ça n’était pas le cas, comme s’ils n’avaient aucune prétention. Chloé, elle, elle n’a pas cette hypocrisie.
Et puis si ça me touche, c’est aussi parce que mon regard change sur l’adolescence. Jusqu’à récemment, je voyais les lycéennes dans la rue, ultra-lookées et tirant la gueule, et ça m’agaçait. Au mieux (ou au pire), je les regardais avec condescendance. Maintenant je me dis que c’est précieux, ce passage, cette phase où on revendique à grands cris – parfois silencieux – les titres d’adulte, et où on se prend au sérieux. Et c’est à prendre au sérieux.

Chez Chloé, on sent ce côté grandiloquent, ces prétentions à l’écriture adulte. En même temps, ça ne verse pas trop dans le ridicule parce qu’elle n’écrit pas avec ses pieds. Son impudeur, son déballage égocentré décomplexé me touchent, même si le contenu des textes ne m’intéresse pas. Et puis, mine de rien, elle me donne envie de lire, d’écrire des trucs, de faire des photos, et, à défaut de faire passer un message, de faire quelque chose de joli.

Je sais que tout ce post sonne monstrueusement condescendant. J’ai pas envie de me justifier. Tant pis : allez donc vous faire une idée.