C'est comment la psychiatrie ?
Araignée||samedi 20 septembre 2008||14:30 ||Lien permanent
— Je me souviens, quand à l’hôpital les patients dormaient à dix dans un dortoir… Le matin il fallait changer les lits, ils étaient tellement défoncés qu’il y avait au centre du matelas un creux avec une flaque de pisse et de merde…
— Ah oui, c’est vrai, on enlevait tout ça et on mettait le tout dans le drap le moins sale, et après on balançait ça par la fenêtre du premier étage !
— Moi je me rappelle que là où je travaillais, il y avait un dortoir de dix-sept, les infirmiers pour s’amuser mettaient ceux qui pissaient le plus en haut des lits superposés.
— Une fois, j’ai glissé dans une flaque de pisse, je portais un pot de chambre, je me suis retrouvée le cul dedans ! La fois suivante je me suis pas fait avoir, dès que j’ai senti que je commençais à glisser j’ai balancé le pot de chambre plus loin…
— Ah oui, c’était pas évident des fois, hein ! Quand à sept heures du matin tu te retrouves là-dedans, parfois faut prendre une bonne respiration par la fenêtre…
C’était la parenthèse racoleuse (et authentique) pour introduire mon propos ennuyeux sur la psychiatrie. Mais je vais plutôt vous raconter une histoire, ça sera plus parlant.
John-David a vingt ans. Il est employé sur l’exploitation agricole de ses parents. Un jour, John-David se met à entendre des voix ; elles l’invitent à se jeter par la fenêtre. Sous l’emprise d’une force contre laquelle il ne peut rien, il s’exécute. Il en réchappe, mais suite à une investigation sur les raisons de son geste, on décide de l’hospitaliser.
« On », c’est qui ? Comme John-David n’est pas d’accord pour aller à l’hôpital psychiatrique, ses parents et son médecin décident de procéder à une « hospitalisation à la demande d’un tiers ». Tout le monde signe un papier qui permettra d’hopsitalier John-David contre son gré.
À l’hôpital, John-David se retrouve dans un pavillon fermé. À l’étage il y a sa chambre, qu’il partage avec Bernard. La chambre ressemble à n’importe quelle chambre d’hôpital, sauf qu’il n’y a pas de lit médicalisé. Bernard a accroché aux murs des photos de sa famille. Il y a aussi une salle de bain.
Pendant la journée, John-David regarde la télévision avec les autres patients, ou bien il participe à des ateliers thérapeutiques. Il aime bien l’atelier écriture. Il voit régulièrement le médecin psychiatre, il prend son traitement. Il voit aussi une psychologue avec qui il parle de son histoire. Mais il continue à entendre les voix. À la fois à cause de la maladie et des médicaments, son cerveau est comme ralenti. Il ne peut plus penser comme avant car il se défend contre ses propres pensées. Il sent bien qu’il ne pourra plus jamais travailler chez ses parents, tant certaines choses auparavant si simples et naturelles deviennent pour lui des épreuves. Il a constamment peur que les voix reviennent et lui disent de se tuer, il a peur d’obéir. Il craint de se raser le matin, de saisir son couteau à table, de passer trop près des fenêtres.
Peu à peu, son état se stabilise, les voix se font plus rares. Mais quelque chose a définitivement changé. John-David va devoir apprendre à vivre avec sa maladie.
Un jour le médecin décide que John-David va mieux et qu’il pourrait passer sa journée à l’extérieur. Le matin, des infirmiers l’emmènent donc à l’hôpital de jour. Il y passe la journée, il déjeune là-bas avec d’autres patients. À l’hôpital de jour, il y a des ateliers, John-David commence un atelier peinture. Parfois il n’y a rien à faire alors il traîne dehors en fumant des cigarettes, ou alors il lit le journal dans le petit foyer. Peu à peu il se met à discuter avec d’autres, des affinités se créent. Le soir il retourne à l’hôpital.
Un projet prend forme : avec son expérience de l’agriculture, John-David pourrait aller travailler dans un ESAT. Il y en a justement un dans le coin, qui fait de l’horticulture et qui produit des légumes. Une fois qu’il sera reconnu travailleur handicapé, John-David va commencer par y faire un stage, et si ça se passe bien, il sera embauché. Il sera logé dans un foyer. Il continuera à rencontrer le médecin pour ses prescriptions, et la psychologue pour sa thérapie, mais cette fois dans un Centre Médico-Psychologique, un centre de consultation extérieur à l’hôpital.
Voilà, en gros, sommairement racontée à partir de ma courte expérience, l’histoire d’un patient en psychiatrie. Plus tard, John-David pourra peut-être vivre dans un appartement, tout seul. Mais personne ne peut dire à l’avance ce que deviendra sa vie… même pas moi, même si j’ai inventé cette histoire !
Commentaires
J'sais pas quoi dire... C'est beau, triste et quand meme plein d'espoir mine de rien...
En tous cas c'est bien raconte et meme si c'est invente, on se prend a esperer qu'il "s'en sorte" (mais ce sortir de quoi au juste??) John-David.
Ben John-David il a drôlement de la chance qu'y ait des gens comme toi pour se coltiner ce genre de boulot, je trouve.
D'ailleurs, je t'ai médaillée : http://amrhaps.net/2008/09/22/235-d...
wayne > Merci :) (Donner un nom à la maladie n'a pas d'importance).
Krazy Kitty > Merci :)
merci pour ce topic, mais faut que les mentalites change!