Premier jour de secte. On reconnaît tout de suite l’analyste qui entre dans la salle : à sa haute taille, à son long manteau noir, à sa pochette en cuir et à ses lunettes d’écaille. Et surtout au fait qu’il gratte toute la file.

Air grave, presque hautain, ses traits fins sont figés dans une expression de froideur : en un mot comme en cent, il fait la gueule. Son regard perçant parcourt la salle, semble enregistrer chaque détail, chaque visage inconnu. On a envie de se planquer pour pas qu’il nous remarque, car c’est sûr, sitôt qu’il aura posé le regard sur nous, il saura tout de notre névrose carabinée.

Alors il s’installe derrière la grande table, recouverte d’une nappe blanche sur laquelle repose un panneau brodé d’une bande de Mœbius. Le silence se fait. On attend. Il nous regarde toujours sans rien dire.
Après un silence angoissant (va-t-il pointer son index vers moi et me demander, d’une voix de stentor, « définissez le grand Autre » ?), il prend enfin la parole.

Un demi-sourire s’esquisse sur ses lèvres et il lâche entre ses dents : « Vous connaissez celle du fou qui se prenait pour un grain de maïs ? »