J’ai connu, moi aussi, une petite princesse blonde, qui me regardait depuis ses trois pommes de hauteur, avec ses yeux bleus et son air sérieux ; et si j’avais, ce jour-là, l’heur de lui plaire, elle me faisait grâce d’un gentil mot, comme : « T’es belle avec tes chaussures A’aignée » (elle ne savait pas prononcer les « r »), ou bien : « T’as mis du maquillage aujou’d’hui », ce qui était un compliment.

Aussitôt, elle exigeait d’essayer mes talons, et s’esclaffait en parcourant le salon, cahin-caha, ses petits pieds perdus dans mes grandes chaussures, grandie d’environ un vingtième de sa taille.

Je la regardais avec fascination, cette petite fille qui passait son temps à se déguiser en fée, se couvrir les lèvres de baume Hello Kitty à la fraise, ou réclamer des compliments sur ses nouveaux collants ; parfois, elle prenait des expressions empruntées, qu’on devinait trouvées dans les « ELLE » de sa mère, et qui, sur son petit visage de trois ans, avaient un certain pouvoir comique. 

Ma seule tentative de féminisation enfantine ayant consisté, un jour, à me mettre du rouge à lèvres pour ensuite l’enlever avec du dissolvant (ne faites pas ça.), je me disais, en la regardant, que peut-être j’avais loupé quelque chose, qu’un truc avait déraillé, que j’aurais été plus normale aujourd’hui si j’avais joué à la princesse à son âge.

Et puis finalement, j’ai réalisé que personne, jamais, ne louait son intelligence.





(Ce billet a été écrit dans le cadre de l’exercice des 366 réels à prise rapide.)