J’entre dans l’eau par la petite échelle. Je me dépêche de m’immerger car je sais que si je traîne en mouillant un orteil après l’autre, ça sera d’autant plus difficile. L’eau est toujours aussi froide, je ne comprends pas pourquoi ; sur le panneau qui indique alternativement l’heure et la température du bassin, on lit « 31° », mais je suppose qu’ils parlent en Fahrenheit ou je sais pas quoi.

Les premières brasses. J’ai froid, et mes jambes sont raides. J’ai l’impression qu’elles bougent à peine. Ça m’étonne presque d’avancer. Entre chaque brasse, je sors la tête de l’eau et je prends une rapide respiration ; je vais trop vite, mais bientôt, à mesure que mon corps se réchauffe et que mes jambes se détendent, mes mouvements se font plus fluides, plus calmes, plus lents.

J’y vais tranquillement. J’enchaîne les longueurs sans m’arrêter, ou le moins possible. Parfois, il y a trop de monde dans la ligne, ce qui m’oblige à m’arrêter au bout pour attendre que ça se dégage avant de repartir. Je n’aime pas ça, mais il faut bien partager.

Je compte. Les brasses, les mètres, j’en suis au quart, j’en suis à la moitié — de mon objectif — je ne suis pas fatiguée, je pourrais peut-être viser plus — du coup je n’en suis plus qu’au tiers.

Au bout d’un moment j’arrive à penser à autre chose, jusqu’à ce que mon attention soit rappelée à ce que je fais par quelque crawleur qui me dépasse en me foutant des coups de pied. Les crawleurs sont à la piscine ce que les 44 sont à la route : des chauffards. Ils avancent sans se soucier de qui se trouve sur leur passage, et surtout ils ne s’arrêtent pas, jamais. Quitte à foncer dans le tas. Je déteste les crawleurs.

Mais aujourd’hui il n’y a personne. Je peux donc penser en toute tranquillité à ce qui m’arrive en ce moment. Je profite de ma solitude.

Ça semble dérisoire, mais quand on y pense, quand est-ce qu’on prend vraiment le temps de penser ? Ça paraît tellement facile, évident, à portée de main, de se poser cinq minutes pour réfléchir, qu’on ne le fait jamais. C’est comme le yoga : prendre ne serait-ce que dix minutes, calmer ses pensées, tout en étirant son dos, mais vraiment, et ses jambes et tout son corps, c’est pas bien compliqué. Mais, en-dehors de mon cours hebdomadaire, je ne le fais jamais.

Je veux dire, en ce moment, je travaille une journée par semaine. J’ai du temps. Beaucoup. Et pourtant, il me faut un horaire, un espace délimité, défini, un autre lieu que mon appartement, pour réussir à faire ces deux choses toutes simples : penser, et m’occuper de mon corps.

Jardin Public de Bordeaux, novembre 2012

Une image zen pour coller au propos.


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Sinon, parmi les choses que je prends le temps de faire en ce moment, il y a la cuisine. Comme je ne voulais pas transformer ce blog en blog de cuisine, j’ai ouvert yet another Tumblr de bouffe, que voici. (À propos, on pourrait trouver une traduction de « food » qui ne soit pas « nourriture » — ça fait moche et bizarre — ni « bouffe » — ça fait grossier ?)

Smoothie à la mangue

Une image de smoothie à la mangue qui est tout simplement une ambroisie, pour coller au propos.