Je hais les touristes.

Comme il m'arrive d'en être une, je vais m'inclure dedans : touristes, je nous hais. Pour plein de raisons que je détaillerai peut-être un jour, mais aujourd'hui je voudrais parler plus particulièrement de l'une d'elles : vous avez vu comment on s'habille ?

Pour les mecs : pantacourts horribles, T-shirts à messages débiles, voire ― je frémis ― marcels ; pour les meufs : pantalons de coton imprimé informes ou mini-shorts, débardeurs ; pour tout le monde : sacs à dos moches et Birkenstocks ou baskets dégueu. On est tous pareils, on a tous les mêmes dégaines de blaireaux qui sacrifient tout sens du style au confort. L'uniformité dans la mocheté, la mondialisation de l'inélégance. On dirait que, dès qu'on n'est plus chez soi et qu'on ne risque plus d'être jugé sur son apparence par des personnes qu'on connaît, on abandonne toute dignité.

(Je précise ici que dans la vie de tous les jours, je prête assez peu d'attention à mon style ― d'ailleurs j'en ai pas, de style : sans être habillée comme un sac, j'achète peu de vêtements et j'essaie de me vêtir de la façon la plus confortable possible. On ne pourra donc pas m'accuser d'élitisme vestimentaire. Je ne suis pas à la mode, je ne suis pas particulièrement élégante, je ne suis pas non plus dans un laisser-aller total, bref je suis dans la moyenne ― brestoise qui plus est, c'est-à-dire pas la moyenne, disons au hasard, bordelaise ― pour ce qui concerne l'habillement.)

Récemment, en regardant avec dégoût les autres touristes blancs et très mal habillés qui sirotaient des bières en terrasse, entre touristes blancs très mal habillés, dans un pays où les gens ne boivent pas de bières en terrasse (déjà parce qu'ils n'en ont pas les moyens) et qui, surtout, sont très élégants, quel que soit leur statut social, je me suis dit qu'on pourrait quand même faire un petit effort.

Déjà, il y a la question de la décence. Se trimballer en mini-short et débardeur (voire combishort-bustier) dans un pays où vous ne verrez jamais les épaules, et encore moins les cuisses, d'une femme ; ou bien en maxi-marcel laissant apparaître poils du torse et tétons dans un pays où vous ne verrez jamais un homme, même un mendiant, porter autre chose qu'un chemisier, ça me paraît pour le moins limite. (On pourrait aussi parler des cheveux, et de la propreté en général.)

Mais au-delà de ça, me disais-je en admirant les touristes japonais, qui, eux, réussissent (souvent) à allier confort et élégance, est-ce qu'on ne pourrait pas faire un tout petit effort de présentation quand on est accueilli dans un pays ? Ne serait-ce que pour ne pas avoir totalement l'air d'un troupeau de moutons décérébrés (bien que, il faut bien l'admettre, ce soit exactement ce que nous sommes) ; mais surtout, par respect pour les locaux qui nous accueillent ?

J'ai donc pris la résolution suivante : toujours respecter les règles de décence du pays qui m'accueille, mais ça, c'est la base et je le fais déjà (à moins que certaines règles ne m'échappent, ce qui est tout à fait possible) ; éviter le sac à dos au maximum (sauf sac à dos "de ville") ; garder les pantalons informes en coton à motif soi-disant "ethnique" pour refaire la peinture chez moi ; réserver les chaussures de marche à ce pour quoi elles sont faites : la randonnée ; un soupçon de rouge à lèvres éventuellement ; bref, m'habiller à peu près comme je le ferais dans ma ville et pas comme si j'allais aux Vieilles Charrues.

La prochaine, fois dans notre rubrique "exterminons les touristes", nous parlerons de celui qui se prend pour un local (refuse d'utiliser une fourchette et s'habille en sarong). Stay tuned !