N’en déplaise à Sigmund, le principe de la dénégation (en gros : l’inconscient ne connaissant pas la forme négative, si vous me dites « C’est pas pour te vexer, mais… » je peux en déduire que vous avez très envie de me vexer, mais que la censure opérée par votre psychisme vous a fait retourner l’idée en son contraire. Allez donc lire l’article de notre ami Sigi) me semble n’avoir pas cours sur Internet. C’est comme si les gens avaient confusément conscience de l’existence de ce mécanisme : il ne viendrait plus à l’idée de personne de déclarer « je suis pas raciste, mais… » parce qu’on sait tous qu’il n’y a pas meilleur moyen de se faire passer pour raciste.
Sur Internet, on observe plutôt un étonnant mécanisme d’affirmation : on clame haut et fort les idées avec lesquelles on n’est, au fond, pas à l’aise, en précisant bien qu’on assume. Et on se dit que si on le crie assez fort, ça passera. Le pire, c’est que souvent ça marche, parce qu’on s’adresse à des gens qui ont à peu près les mêmes idées, et qui, grâce à vous, maintenant assument aussi. Exemple : « J’écris des billets sponsorisés parce qu’on m’en donne 200 € et cette somme suffit à justifier que je vende mon cul, parce que quand même, c’est 200 €, et j’assume » : hop, soixante commentaires pour dire « T’as trop raison, pour 200 € on refuse pas, t’es le meilleur », sous-entendu : « Maintenant moi aussi je vais pouvoir écrire des billets pour cinquante balles sans mauvaise conscience ». Je suppose que le fait d’être caché derrière un écran aide pas mal : si on se fait rembarrer, on change de pseudo et on disparaît, à la limite.
Certains ont moins de chance parce que, manque de discernement, ils s’expriment sur des blogs fréquentés par des gens intelligents ; témoin ce type qui clamait, il y a longtemps, dans les commentaires d’Eolas qu’il avait très envie de sauter sa belle-fille adolescente : lui aussi, il assumait, il osait avouer ses penchants, et il espérait que son courage — j’ose dire tout haut ce que beaucoup ressentent tout bas — allait être félicité. Mais les grosses ficelles ont leurs limites, et le type s’est fait unanimement traiter de cinglé. Parfois, le principe de « plus c’est gros, plus ça passe » se retrouve battu en brèche… C’est plutôt rassurant.