La scène se déroule sur la terrasse d’un bar du bord de mer. Un groupe de jeunes femmes fête bruyamment le futur mariage de l’une d’elles dans une de ces étonnantes cérémonies rituelles qu’on appelle communément « enterrement de vie de jeune fille ».

Une voiture de policiers en patrouille, qu’on a déjà vue passer deux fois devant le bar — la ville est petite et il ne s’y passe pas grand-chose, ils doivent s’ennuyer un peu, les pauvres — s’arrête au rond-point qui se trouve juste devant nous. Une des jeunes femmes se précipite vers la voiture et interpelle le passager de devant ; on les voit discuter quelques instants. L’attention générale commence à se diriger vers la scène.

La voiture repart, mais seulement pour s’arrêter quelques mètres plus loin ; tout le groupe de joyeuses fêtardes se dirige vers elle sous les rires de l’assistance. On voit l’une d’elles tenir à la main un petit martinet et de fausses menottes ; elles se penchent par la vitre ouverte et se font photographier avec le policier assis à l’avant. Le conducteur sort, bien droit, l’air important, et finit par ouvrir la portière arrière pour laisser la future mariée s’asseoir dans la voiture. Celle-ci redémarre, fiancée à l’intérieur, et s’éloigne hors de notre vue ; quelques instants plus tard on la voit repasser devant nous en trombe, gyrophare allumé.

Quand on est parti la future mariée n’était toujours pas revenue de son petit tour et ses amies continuaient de fêter son enterrement sans elle. Peut-être a-t-elle fini la soirée au poste, à tenir compagnie à ces respectables agents de la police nationale ? Ils doivent s’ennuyer un peu, les pauvres.