(C’est amusant comme la liberté n’est pas toujours où on le croit. On a facilement tendance à regarder les autres comme moins libres que nous, parce qu’ils ont fait des choix qui nous paraissent aliénants et qu’on pense faire les choses uniquement par désir, d’une manière détachée de toute influence ; par exemple, il y a dans l’air un certain mépris pour ceux qui choisissent une vie « banale », avec mariage, bébé, achat de maison et monospace pour parfaire le tout. On parle de « rentrer dans le moule », ces gens-là font forcément ces choix pour se rassurer, sans désir, ça va finir par une crise de la quarantaine et un divorce, etc.

Ça m’énerve. Et pourtant, je fais partie de ceux qui ont parfois ce regard sur les autres. Alors que moi-même j’aspire à tout ça, sans avoir le sentiment de chercher à « rentrer dans le moule ». Moi, je choisis ce mode de vie, mais c’est en toute liberté, hein, ne vous méprenez pas.)

Cet après-midi, je vais chez une copine enceinte jusqu’aux dents pour tricoter. On va sans doute parler bébés et cracher sur nos belles-mères en buvant du thé et en grignotant les biscuits que j’ai faits hier soir. Bref, la parfaite caricature de desperate housewives, le contraire de la liberté en somme.

Et pourtant, si c’était là ma petite tentative de liberté du jour ? Sortir de chez moi pour faire autre chose que chercher mon chat ou travailler, vivre un moment en dehors de mon couple ou de ma solitude, même un tout petit moment, combattre ma flemme pour m’extraire de mon intérieur, douillet et chaud et confortable, mais où l’ennui guette ?

« je cuisine, je tricote, et j’aimerais que tous ceux à qui j’avais demandé de me tuer ce jour là s’abstiennent, en fait. »




(« 366 réels à prise rapide », exercice de style proposé par Raymond Queneau et découvert chez Zelda.)