Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 11 octobre 2015

Y'a Bertrand Cantat sur notre canapé

(Ce post ne parle pas de Bertrand Cantat. Quoique, ça aurait pu. Je suis allée l'autre jour au bar qu'il a ouvert avec des potes à Bordeaux. C'était... moui. Le groupe qui jouait était pas mal. Derrière eux il y avait un immense logo du bar peint sur le mur noir, on se serait cru sur un plateau télé d'émission intello de fin de soirée sur France 2 dans les années 90. À l'entrée du bar il y avait un genre de videur qui devait : ouvrir la porte ; laisser quelques personnes entrer dans une espèce de sas vitré ; fermer la porte ; ouvrir l'autre porte du sas ; laisser les gens sortir du sas ; refermer la porte. Ad libitum. Tout ça pour... Quoi ? Qu'on n'ait pas froid dans le bar ? On l'a plaint très fort. Quand j'y pense, j'ai filé du fric à Bertrand Cantat (j'ai pris un Perrier tranche). Je sais pas trop quoi en penser — si : rien (à part que je suis contre les parenthèses imbriquées, ça fait pas propre).)

J'avais envie de parler un peu de certains des derniers bouquins que j'ai lus, et que j'ai décidé de ne plus mettre sur Goodreads parce que si on continue à lire des livres papier, c'est-à-dire à ne pas refiler à Amazon les infos sur ce qu'on lit, quand, où et à quel rythme, c'est pas pour aller sciemment et fièrement les livrer sur un site, juste pour montrer (à personne) qu'on lit, si ?

Donc on montre (ce) qu'on lit, ici (hm).

Ça tombe bien qu'on parle de ça (oui, on = moi), parce que justement, il y a ce livre qui est très très intéressant pour commencer à réfléchir sur le changement de paradigme que représente l'irruption du numérique dans nos vies. (Cette phrase... j'ai l'impression d'avoir bouffé la quatrième de couverture du bouquin). Il a "fait irruption" il y a déjà une paye, et on est dedans jusqu'au cou, d'où l'urgence de commencer à s'intéresser à ce que ça signifie et implique.

La Vie algorithmique, Éric Sadin

À ce propos, hier je parlais avec mon frère de tout ça, les montres intelligentes et le fait qu'on est de plus en plus connecté tout le temps, et il me disait en substance : "on y viendra tous" (à la Google Watch et ce genre de chose). Eh ben je suis pas d'accord. Avec cette conclusion et avec le fait d'y venir, moi aussi. Et justement, j'ai l'impression que ça fait partie de la stratégie, de nous faire penser que de toute façon, on y viendra tous, donc à quoi bon lutter ?

Ben moi, je suis désolée mais je continue à aller courir sans mon smartphone pour enregistrer mes trajets et les battements de mon coeur, et à lire des livres achetés dans une librairie, et ce qui est effectivement nouveau, c'est que chaque fois, je goûte le fait de vivre sans que Google sache à ce moment précis ce que je suis en train de faire. D'ailleurs l'autre jour j'ai entendu une info étonnante : il paraît que le secteur du livre papier est en train de se redresser, que les gens n'ont pas comme c'était prévu arrêté d'acheter des bouquins dans des vraies librairies pour se mettre à lire uniquement sur tablette. Ce qui montre qu'en effet, parfois, des trucs qu'on avait intégrés comme étant dans l'ordre des choses ne se produisent pas. Faisons pareil avec la tendance à foutre des capteurs partout, voulez-vous ? Commençons donc par nous séparer des applis inutiles qui nous tracent. Et par arrêter d'utiliser Google (indice pour commencer : DuckDuckGo).

Les Initiés, Thomas Bronnec

Sinon, dans la veine instructif et édifiant, mais dans un autre style : un polar très bien foutu, qui a été écrit par le frère d'une copine donc je me sens stupidement un peu fière. L'auteur (qui est le frère d'une copine, donc) est journaliste et si j'ai bien compris, il a longtemps été en immersion à Bercy. Alors je ne sais pas ce que "en immersion" veut dire, mais je me plais à l'imaginer (c'est le frère d'une copine, bien que je ne l'aie jamais vu), se faisant passer pour un énarque, en train de discuter des secrets de la finance gouvernementale devant la machine à café en touillant son instantané d'un air dégagé. Puis, dans un réduit sombre, sortant son smartphone (tiens tiens) de sa poche et réécoutant, le front perlé de sueur, l'enregistrement compromettant qu'il vient de faire avant de l'envoyer à sa rédaction. Ensuite il s'éponge le front, se recompose un visage impassible de fonctionnaire cynique et, repassant sa cravate de la main d'un geste distrait, il sort de son réduit avant de regagner son bureau vitré qui donne sur la Seine.

(Je fais un autre aparté. Un ami un jour m'a fait prendre conscience d'un truc : comment la fiction imprègne nos vies. Non seulement nos représentations, mais aussi nos gestes, nos paroles, nos blagues, jusqu'à nos mimiques et nos façons de parler. Il venait encore de se passer un truc atroce aux États-Unis, un type s'était fait descendre parce qu'il avait l'air un peu trop noir et qu'il avait porté la main à sa poche. Mon pote imagine et me décrit la scène, enfin là je brode un peu : le flic, qui a grandi dans un monde gavé de séries et de films policiers, voit l'ado en survet qui ressemble un peu trop à un dealer de The Wire. Le Noir ressemble-t-il à ça parce que lui-même a grandi dans une culture imprégnée par les séries ? Forcément, en partie, mais déjà, il est noir et les dealers dans les séries sont rarement blancs. Le flic donc repère ce type, instantanément se trouve projeté dans son rôle fantasmé de justicier sûr d'être du bon côté, il met la main sur son flingue, les yeux toujours fixés sur l'ado qui représente le Crime, il attend le moindre signe pour dégainer, même sa posture ramassée sur lui-même il l'a chopée dans des films, il guette, il attend, l'ado entame le geste de prendre un truc dans sa poche, dans la tête de notre héros ça fait tilt-danger, il sort le flingue, met en joue comme il a vu faire à la télé et tire.)

Donc revenons au livre. Ça se passe à Bercy, où un suicide inexpliqué déclenche une enquête qui va à la fois mener à l'explication de l'événement initial, mais surtout, nous dévoiler les rouages de la finance et des liens entre banques et gouvernement, les intrigues de cabinet ministériel et les accords secrets entre types du public et du privé qui ont fait leurs études ensemble et vont dans les mêmes clubs select. Ce qui est assez glaçant c'est que le réalisme de l'écriture, et le pedigree de l'auteur (qui est, l'ai-je mentioné ? le frère d'une copine), nous font deviner que ça se passe vraiment comme ça — hormis les suicides, enfin j'espère.

Passionnant, ça se lit tout seul, vous m'en direz des nouvelles.

Silo, Hugh Howey

Je passe au troisième bouquin. En fait c'est une trilogie. Si vous cherchez un page-turner, c'est ce qu'il vous faut : un roman d'anticipation, post-apocalyptique, qui malgré quelques maladresses est très bien ficelé, déploie un univers complexe avec cohérence, et remplit bien son boulot de distraire tout en distillant un message sur l'humanité. Le restant de l'humanité vit dans un immense silo, parce que l'air de la Terre est devenu toxique. L'univers du roman va se complexifier et s'étendre au fur et à mesure qu'on comprend les raisons de cette situation, qui comme il se doit ne seront totalement éclairées qu'au bout des trois tomes. Apparemment ça a commencé par un feuilleton publié au fur et à mesure sur Internet, et l'auteur devant le succès de son histoire a développé et poursuivi son récit, qui a été publié et dont les droits ont évidemment déjà été achetés pour en faire des films. Le rythme se prêterait parfaitement à une série, ce qui s'explique sans doute par le mode de publication initial mais pas seulement : c'est écrit de façon rythmée, visuelle. C'est drôle comme là encore, les séries et leur manière particulière de mettre en scène, et en rythme, le récit, influencent jusqu'à la manière d'écrire un roman, de la même manière que la littérature inspire les cinéastes.

Le Dernier baiser, James Crumley

Un dernier pour la route : un polar encore, et là encore il y aurait des choses à dire sur les liens entre littérature et fiction filmée. En lisant ce bouquin, on a l'impression de regarder un film noir américain, avec tous les codes — détective alcoolique qui traîne son ennui sur les routes poussiéreuses des États-Unis, qui fait des rencontres louches dans des bars interlopes, qui enquête sur la mort d'une beauté qui l'obsède sans qu'il sache bien pourquoi, qui écluse des whiskies en échangeant des tirades cyniques sur l'inutilité de tout ça avec la barmaid qui en a vu d'autres. L'auteur a un vrai pouvoir d'évocation, son écriture nous propulse dans l'univers du récit. C'est très bien écrit, très drôle tout en étant noir, bref j'ai dégusté ça comme on sirote un truc corsé.

mercredi 22 février 2012

Aujourd'hui quelque chose écrit sur un objet.

L’objet, c’est un livre.

Dessus, il y a écrit : « Colum McCann — Les saisons de la nuit ». Je l’ai fini ce matin.

C’est un livre qu’on m’a offert, parce qu’en avril je pars à New York, et j’ai demandé à mon entourage de m’offrir des livres avec New York dedans pour Noël.

Il y a bien New York dedans, mais pas celui qu’on trouve dans les livres de Paul Auster, plutôt un New York dur, où le quotidien consiste à tenter de survivre, vu par des gens blessés, malmenés par la vie mais, curieusement, raconté sans révolte. Il y a aussi des personnages, de la misère, des tunnels et des destins ; deux histoires parallèles qui se rejoignent, celle d’une lignée et celle d’une solitude. Et ce livre se termine sur une résurrection, rendue possible par une prise de parole.

Vous pensez bien que ça m’a plu.

samedi 20 novembre 2010

Ça me rappelle quelqu'un

Un jour que je lui demandai quelle était sa spécialité en médecine, il me confia, comme à regret et avec beaucoup de chichis, qu’il était psychanalyste.

Il était perdu : j’allais pouvoir lui expliquer Freud !



Pierre Rey, Une saison chez Lacan, 1989.

mardi 16 mars 2010

Puisque c'est comme ça j'entame Orgueil et Préjugé(s)

Ça m’énerve. Je n’arrive jamais à mettre de mots sur ce que je ressens, en bien ou en mal, face à un bouquin ou à un film ou à l’écoute d’un disque. J’ai des impressions nuancées, pas dans le sens de « modérées » mais dans celui d’une infinité de couleurs, que je n’arrive pas à rendre. Je manque de vocabulaire, c’est frustrant.

Là, par exemple, j’ai commencé hier un bouquin de Tom Clancy[1], et je n’arrive pas à en dire autre chose que « Mais c’est quoi cette MERDE ! ». Vous passez donc à côté d’une critique à la fois juste, drôle et mordante de Red Rabbit, dont je ne dépasserai d’ailleurs pas la page 15. Mince !

Tant pis, je renonce et dès demain je vais le refourguer à mon bouquiniste — lequel doit se demander d’où je sors toutes les merdes que je lui vends. Je vais pas balancer, mais suivez mon regard.

[1] Je sais, je sais : mais quelle idée, aussi, de lire du Tom Clancy. Oui mais il était dans ma bibliothèque (je ne dirai pas qui l’a mis là), je cherchais un truc facile à lire, j’étais un peu malade, ça m’apprendra.

lundi 12 octobre 2009

Le Club des métiers bizarres

Cet été j’ai trouvé dans la bibliothèque de ma maman daronne un bouquin à la fois drôle, anglais, court et passionnant. Comme à mon habitude, j’ai ensuite cherché d’autres livres de cet auteur et il s’avère que bizarrement, ça ne court pas les rues.

Le livre s’appelle Le Club des métiers bizarres et l’auteur, c’est Gilbert Keith Chesterton. Alors moi, je ne connaissais pas G. K. Chesterton, et il semblerait que la plupart des libraires ne connaissent pas non plus, tant il est absent des rayonnages ; il y a au maximum un bouquin de lui à la fnac, alors que ce type en a écrit des dizaines.

Du coup, je m’étonne lorsque je lis sur la page Wikipedia de G. K. Chesterton qu’il « était un des plus importants écrivains anglais du début du XXe siècle ». Faudrait prévenir les libraires.

Brèfle, Le Club des métiers bizarres, c’est plusieurs récits qui commencent par un mystère et finissent par la découverte d’un nouveau métier bizarre. Ça ressemble à un roman policier, mené par deux personnages — le narrateur, plutôt observateur, et un vieil original — sauf qu’il n’y a pas de coupable, pas de crime d’ailleurs. Juste une expérience étrange qui s’explique par la découverte, à la fin de chaque histoire, de quelqu’un qui exerce une profession inédite, comme par exemple organisateur d’aventures ou faire-valoir dans les soirées mondaines.

C’est très drôle, très anglais, très facile à lire et extrêmement distrayant. Vous m’en direz des nouvelles.

- page 1 de 2