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Mot-clé - Psychanalyse

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mercredi 2 décembre 2009

Typologie de l'analyste lacanien

Premier jour de secte. On reconnaît tout de suite l’analyste qui entre dans la salle : à sa haute taille, à son long manteau noir, à sa pochette en cuir et à ses lunettes d’écaille. Et surtout au fait qu’il gratte toute la file.

Air grave, presque hautain, ses traits fins sont figés dans une expression de froideur : en un mot comme en cent, il fait la gueule. Son regard perçant parcourt la salle, semble enregistrer chaque détail, chaque visage inconnu. On a envie de se planquer pour pas qu’il nous remarque, car c’est sûr, sitôt qu’il aura posé le regard sur nous, il saura tout de notre névrose carabinée.

Alors il s’installe derrière la grande table, recouverte d’une nappe blanche sur laquelle repose un panneau brodé d’une bande de Mœbius. Le silence se fait. On attend. Il nous regarde toujours sans rien dire.
Après un silence angoissant (va-t-il pointer son index vers moi et me demander, d’une voix de stentor, « définissez le grand Autre » ?), il prend enfin la parole.

Un demi-sourire s’esquisse sur ses lèvres et il lâche entre ses dents : « Vous connaissez celle du fou qui se prenait pour un grain de maïs ? »

mardi 24 novembre 2009

On n'en parle pas assez dans les journaux

Je suis en train de lire un séminaire de Lacan — entre autres lectures, je vous rassure — et je tiens à m’insurger ici contre cette pratique infâme qui consiste à refuser catégoriquement d’utiliser des deux-points, pour systématiquement mettre à la place des tirets.

Exemple : « Quittant Kojève, je lui ai dit — Alors, ce Banquet, nous n’en avons tout de même pas beaucoup parlé. Et comme Kojève est quelqu’un de très, très bien, c’est-à-dire un snob, il m’a répondu — En tous les cas, vous n’interpréterez jamais Le Banquet si vous ne savez pas pourquoi Aristophane avait le hoquet. »[1]

(Si vous voulez savoir pourquoi Aristophane avait le hoquet, il vous suffit d’acheter le Livre VIII du Séminaire. 33,60€ dans toutes les bonnes librairies.)

Je pense que Jacques-Alain Miller, qui établit le texte des Séminaires (lesquels, je le rappelle, étaient seulement oraux), souffre d’une forme inédite de phobie, à laquelle il conviendrait d’ailleurs de trouver un nom.

Je milite donc à la fois pour le retour du point-virgule (j’en profite) et contre la répression du deux-points.

(Je suis tellement indignée que si j’avais un compte Facebook, je créerais un groupe. Oui, j’en suis à ce niveau de colère.)



[1] Lacan, J. (1991). Le Séminaire, Livre VIII : Le Transfert. Paris : Seuil.[2]
[2] Où l’on constate que j’ai bien retenu les normes bibliographiques de l’APA. Et que j’ai appris à faire des appels de notes.

lundi 16 novembre 2009

Comment je frôle le danger tous les vendredis, de 9h à midi

(Attention, ce billet contient un peu de mauvaise foi).

Tiens, je ne vous ai jamais parlé de la secte. Pourtant il y en aurait, des choses à dire, sur la secte. Je vais vous raconter mon histoire.

C’est une amie qui m’a embrigadée, en 2007. Elle m’a dit : « Sigmund m’a filé cette brochure, j’irais bien, mais j’ai pas envie d’y aller toute seule, ça te dit ? » (Sigmund, c’est son psy.) La brochure nous invitait à un rassemblement à-peu-près-mensuel de gens qui aiment parler de Lacan entre eux, sous les auspices (comme ils disent) d’une école de psychanalyse, la plus connue, celle que dirige le type qu’on voit sur tous les plateaux télé, mais si, vous savez, pour parler du fils de Sarko ou de l’ex-femme de Besson.

Bon, moi, au départ, j’étais un peu réticente. Surtout qu’il fallait, pour être accepté dans la secte, passer un entretien avec un des deux responsables, et moi ça me faisait un peu flipper. Et s’ils me demandent de définir le Nom-du-Père ou le grand Autre ? Et s’ils me font parler de mon mémoire, que j’ai pas commencé ? Finalement je me suis décidée et j’ai rencontré Sigmund, dans son grand bureau, en évitant de croiser le regard du divan.

Sigmund m’a juste demandé en quelle année d’études j’étais, si j’étais en analyse, avec qui (ça, c’était pour savoir si j’étais en analyse avec quelqu’un de la secte, ou d’une autre secte avec laquelle la sienne pourrait être en guerre). Puis il m’a laissée partir, et j’ai été acceptée dans la secte. Non sans avoir lâché un gros chèque, évidemment, pour entretenir le train de vie de pacha du gourou.

À la secte, il y a plein de gens qui se connaissent entre eux et qui font des blagues de lacaniens. Ils adorent tous leur gourou, qu’ils appellent par son prénom pour bien montrer qu’ils le connaissent personnellement (ce qui, la plupart du temps, est faux). Le gourou, c’est le gendre de Lacan. Il possède les droits sur les séminaires de Lacan, qu’il publie déraisonnablement lentement ; il la ramène un peu sur tout, y compris sur le fils de Sarko ou l’ex-femme de Besson ; il se considère en guerre contre les cognitivo-comportementalistes, et les psychanalystes de son École composent son armée. D’une manière générale, les gens de la secte se croient détenteurs de la Vraie Psychanalyse, et quiconque ferait une petite critique sur leur mode de fonctionnement ou leur gourou — ou, pire, sur Lacan lui-même — est immédiatement attaqué de toutes parts et considéré comme un Ennemi de la Psychanalyse. C’est un système très efficace (demandez à Élisabeth Roudinesco).

Les gens de la secte, ils aiment bien faire des jeux de mots, pour faire comme Lacan. Ils ont une manière très particulière de faire des phrases, un style qu’on reconnaît tout de suite. Ils essaient de faire du Lacan, mais ça donne juste un truc incompréhensible que de toute façon on n’a pas envie de chercher à comprendre, parce qu’il faut être Lacan pour avoir des lecteurs qui acceptent de passer quatre heures sur une phrase pour en saisir un tout petit peu de sens.

Pour vous en rendre compte, il suffit de vous balader un peu sur Twitter. Parce que récemment, le gourou a décidé qu’il fallait que tout le monde se mette sur Twitter. Il a ouvert son compte et tous les adeptes l’ont suivi dans un grand enthousiasme ; mais comme ils ne savent pas se servir de Twitter, ça donne d’innombrables tweets contenant le seul mot « test » et beaucoup de comptes vides. Et ceux qui tentent vraiment d’y dire quelque chose composent des tweets de lèche adressée au gourou, ou des messages intello-cryptiques sans intérêt, parce qu’ils n’ont pas compris que Twitter, c’est juste fait pour raconter des conneries.

Cette année j’ai décidé de retourner à la secte, mais je me suis juré que je n’en ferais jamais vraiment partie, que je me contenterais de suivre les enseignements sans entrer dans le groupe. Que je resterais un genre d’observatrice, que jamais je ne m’intégrerais à leur espèce de famille incestueuse. Ce qui impliquait de ne jamais me faire analyser par l’un d’entre eux, parce que je trouve ce groupe trop fermé et un peu malsain.
J’ai rencontré une des deux responsables, parce que j’ai changé de ville et qu’il fallait à nouveau que je me présente. Elle m’a posé plein de questions en notant tout, elle m’a demandé si j’avais fait une analyse, et où j’en étais depuis que j’avais déménagé. Et là, soyez attentifs, admirez la stratégie pour me faire fléchir et tomber : à la fin de l’entretien, elle me dit « Et si vous décidez de reprendre la question de votre analyse, appelez-moi… »



Bon, elle est sympa, un peu connue, elle a été analysée par Lacan himself et elle porte des Louboutin. Ça en jetterait, de sortir innocemment son nom au détour d’une conversation. Je serais la petite-fille en analyse de Lacan…
Je l’avoue, non sans honte : j’ai failli jeter mes principes aux orties et la rappeler tout de suite. J’avais le téléphone en main lorsqu’une petite voix intérieure, presque inaudible, m’a rappelé mes résolutions. Au terme d’une âpre bataille contre moi-même (imaginez-moi en sueur, serrant les dents, les yeux fous, gémissant une plainte presque animale, la main en sang à force de serrer le téléphone), j’ai fini par reprendre mon empire sur ma conscience.

Mais du coup, j’ai un gros doute. Et si c’était trop tard ? Et si, malgré mes résolutions, j’avais déjà commencé à le fondre dans la masse des adeptes ? Et si je m’étais fait prendre par ce qu’ils appellent « le transfert à l’École » ?

Si vous vous apercevez que je me suis fait avoir, comme ma copine Boudin qui est devenue de droite depuis qu’elle fait des ressources humaines, je vous en supplie : suicidez-moi.

mardi 17 mars 2009

Quote du jour

Un prof (lacanien, évidemment), désespéré devant la torpeur de la promo qui préférerait boire des coups au soleil :

« Allez, libérez vos chaînes signifiantes ! »


Mais si, c’est drôle.

dimanche 27 juillet 2008

L'avis de la psy

Aujourd’hui, nous allons inaugurer une nouvelle rubrique de ce blog, qui risque de ne comprendre à jamais qu’un seul billet. Il s’agit d’apporter un éclairage psychanalytique sur des scènes de notre quotidien. Commençons avec cette petite scène dont j’ai été témoin en me penchant à une fenêtre.

La scène: dans la rue, un jeune garçon est sur son vélo. Sa mère le suit. Elle hurle.

Nolan ! NOLAN ! Tu reviens ici ! Putain, mais il commence à me les briser, ce branleur ! NO-LAN!

Le garçonnet file sur son vélo et n’écoute pas sa mère.

Nolan ! Tu arrêtes tout de suite ! T’arrêtes de faire chier ! Mais c’est pas vrai, ce gosse !

L’enfant, riant, fait volte-face et se dirige vers sa mère ; mais, loin de s’arrêter, le facétieux bambin la dépasse et continue sa route. Rage de la mère.

Nolan ! Reviens ici!  Tu descends de ce vélo, merde !

Au bout d’un moment, lassé sans doute, le chérubin descend de son vélo. Il le pose en plein milieu de la rue. La mère le ramasse :

Ah ben c’est ça, vas-y, t’as raison !!


Bien, maintenant, l’éclairage psychanalytique tant attendu :

Madame, vous n’auriez jamais dû appeler votre gamin Nolan.

Merci de votre attention.

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