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Mot-clé - Psychologie

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mercredi 19 mai 2010

Où l'on est vachement moins direct qu'à la Nouvelle Star

Aujourd’hui j’ai participé à un jury de sélection d’entrée dans une école, et j’ai appris un nouveau mot.

« Cortiqué ».

Ça veut dire « intelligent ».

Mais en fait c’est plus souvent utilisé dans son sens contraire, pour éviter de dire « bête ». « Celle-là elle est pas cortiquée ». C’est laid, mais moins que de dire : « Celle-là elle est bête ». Même « elle est pas intelligente », ça aurait l’air d’un gros mot.

En fait on évite de prononcer le mot « intelligence », on va plutôt parler de « capacités à suivre », « réflexivité »… Comme si on ne jugeait pas sur l’intelligence, quelle horreur.

Mais finalement, l’intelligence, c’est presque le premier critère. En tout cas ça l’a été ce matin. 

[Par intelligence, j’entends — juste pour la durée de ce billet — « facultés intellectuelles » : compréhension, vocabulaire… telles qu’elles peuvent être mesurées par un test de Q.I. (On ne dit pas « test de Q.I. », ça fait pas pro, mais bref.)]

La quasi-totalité des candidats qu’on a recalés ce matin, on l’a fait parce qu’ils n’étaient pas assez intelligents. J’ose l’écrire, mais je dois dire que ça me fait bizarre de le faire. C’est presque comme si j’avais écrit : « on les a recalés parce qu’ils étaient Noirs ».

Comme si cette simple constatation, « cette candidate n’est pas assez intelligente », était en elle-même un jugement de valeur. Alors que c’est juste un jugement de capacité : je juge que cette personne n’a pas les capacités intellectuelles pour suivre les études dans cette école. Ça ne veut pas dire que je juge qu’elle a moins de valeur que le candidat suivant.

J’ai remarqué qu’on est en général très très gêné par cette notion d’intelligence. Pour parler des gens qui sont débiles (sont appelés « débiles » les gens qui ont un Q.I. de moins de 85, et ça va de la débilité légère à profonde, mais selon les classifications les seuils changent, comme quoi c’est beau l’objectivité de l’évaluation), pour parler des gens débiles donc, on utilise des expressions plus ou moins heureuses comme « il est un peu limité » ou « elle est simplette ». Mais ceux-là, ça va encore, ils sont pas comme nous, ils sont handicapés. On a encore une certaine liberté dans le vocabulaire. D’ailleurs, pour un débile profond, on se permet plus, on dira « c’est un légume ». Mais alors, pour parler de quelqu’un qui a son bac, comme nous, mais qui n’a pas les capacités pour faire certaines études…

Ben on dit « il est pas cortiqué ».

jeudi 23 octobre 2008

J'en ai appris des choses en tant d'années

Jeune étudiant en psychologie, voici l’indispensable guide qui t’aidera à répondre à une question cruciale : quels cours sécher ?

Évidemment, si tu te destines à la psychologie sociale, à la neuropsychologie ou même, soyons sectaire jusqu’au bout, à la psychologie du développement, hors de ma vue ; je ne parle qu’aux futurs psychopathologues, les vrais, les purs, l’élite de nos universités, ceux qui vénèrent Lacan et conspuent Piaget, ceux qui s’agenouillent devant Freud et qui crachent sur la tombe de [insérez ici le nom de n’importe quel chien de comportementaliste].

Après de nombreuses années d’observation, je suis en mesure de vous livrer un ensemble exhaustif des tableaux cliniques que vous rencontrerez chez vos profs, selon leur orientation théorique :

  • le psychiatre est ennuyeux, obsessionnel et, si possible, moustachu. Il dicte tout son cours d’un ton monocorde. Vous pouvez vous passer d’aller l’écouter, surtout si vous disposez du cours d’une de vos copines qui y a eu droit l’année dernière ; cela vous fera gagner de précieuses heures de votre vie (traduisez : vous pourrez aller boire des coups). Si le psychiatre est aussi psychanalyste, tout n’est pas perdu : cf. plus bas.

    Exemple :

    « I. Clinique… des troubles… névrotiques… de l’enfant.

      a) La… névrose… d’angoisse.

        1. Chez… un sujet… en état… de veille.

          1.1. Chez l’enfant… très jeune. »

  • Dans la même veine, le prof de psychologie générale, et le prof d’apprentissage de la lecture ou d’acquisition du langage ou toutes ces horreurs développementales, sont des genres de Détraqueurs : ils vous enlèvent toute envie de vivre, évitez-les (débrouillez-vous pour vous procurer le PowerPoint de leur cours, sur lequel ils mettent TOUT le contenu du cours, ce qui est complètement idiot mais bien pratique quand on n’y a pas mis les pieds de l’année).

    Exemple : j’en ai pas, j’y vais jamais.

  • Le prof de psychologie différentielle (de tests, quoi) est stupide. Toujours. Il n’a aucun sens clinique, car il est stupide, et compense avec l’utilisation intensive de tests (facile, croit-il, il suffit de lire les résultats) au point qu’il finit par ne plus faire que ça (en même temps, ça paye bien, pourquoi se priver). Pour faire croire qu’il a une culture analytique, il fait des interprétations à l’emporte-pièce (« Kevin a fait son dessin en haut de la feuille, or ça peut nous rappeler le toit des maisons, dans les dessins d’enfants le toit de la maison c’est le père, alors ici on peut dire qu’il se place sous la protection du père » — Je vous jure que c’est authentique.) Cela dit, ne séchez pas les cours de tests, parce que c’est important. Subissez héroïquement.

    Exemple (presque pas fictif) : « Alors, d’après cette présentation clinique, qu’est-ce qu’on peut proposer comme solution personnalisée à Allan ? Oui, un Q.I. Et on va aussi lui faire passer une épreuve projective. …Oui ? …Oui, comme pour Marjorie, Christophe, Théo et Léa ; qu’est-ce que vous voulez dire par là ? (sourire crispé de lapin) »

  • Le psychanalyste est passionnant (forcément). Il fait son cours sans plan et sans papier, en totale improvisation, et le parsème de traits d’esprit et de piques brillantes dirigées vers les Québécois en général et les comportementalistes en particulier ; il est méprisant et arrogant, mais il peut se le permettre, ce qui, vous en conviendrez, est assez rare.

    Exemple : « L’Autre est convoqué dans les actes violents, y compris dans ceux dirigés vers la personne propre ; mais qui est cet Autre ? On s’attachera cette année à dégager une figure de l’Autre – je me trouve vachement brillant, aujourd’hui – je vous ai parlé des Québécois ? »

Si avec ça, vous vous en sortez pas, je peux plus rien pour vous.