Mes doigts, teintés d’une jolie couleur safran à cause du curcuma frais, tournent les pages de l’ouvrage sur les plantes. J’y apprends que la capselle bourse-à-pasteur se mange frite, que la pulmonaire officinale doit son nom à ses pouvoirs supposés de guérir les maladies des poumons ou encore que l’on peut faire de la bière avec de la bruyère. Une autre page, et le nom de la lépiote déguenillée (qui n’est pas, à proprement parler, un végétal, puisqu’il s’agit d’un champignon), m’évoque une grenade… dégoupillée — y a-t-il un fruit qui porterait ce nom ? J’aimerais…

Photo Christophe Moustier
(©Christophe Moustier)

Celle qui n’y est pas, me dis-je entre deux pages, c’est la monnaie-du-pape, dont le nom m’avait fascinée, enfant, lorsque je l’avais entendu pour la première fois, à la maison de campagne, où elle se tenait le long du mur en pierre, sous la fenêtre ; il m’avait alors semblé alors que ses fruits ovales, écus de papier renfermant les graines qu’on voyait par transparence, avaient une sorte de pouvoir, qu’ils pourraient, si j’en collectais assez, m’apporter une sorte de richesse magique et mystérieuse, qui tenait sans doute justement au fait qu’en réalité, cela ne valait rien, valait rien, valériane, que la photo du livre montre sur une plage ensoleillée —

la vapeur du rice cooker s’échappe en semant derrière elle une odeur moelleuse, celle des crèmes de potimarron dont la confection m’a été permise par les grâces combinées d’Internet et du monde végétal. Je lis, je lis que le mouron des oiseaux trouve son habitat dans « les jardins et les sols bouleversés », et qu’il « a tendance à ramper plutôt qu’à s’élever », ce qui me semble à la fois triste et si juste pour une plante qui porte ce nom. Sur une autre page, j’avise la fleur de la petite pimprenelle, boule verte ourlée de rose qui sur la photo se dresse, permettant à un papillon aux couleurs fauves de se reposer sur ce support offert ; quant à la véronique des ruisseaux, la salicorne, ou la renouée persicaire, je les effleure du regard, me disant que j’y reviendrai, quand je rouvrirai le livre, un jour pas si lointain, lorsque le besoin me reprendra de me plonger dans la poésie des végétaux.