[Avertissement] Ce billet a été écrit sur un coup de colère et a beaucoup blessé certains lecteurs. D’abord, et maintenant que nous nous sommes expliqués, je tiens à leur présenter mes excuses. Je ne vais pas reprendre ici tout ce qui a été dit en commentaires, mais avant de le lire, sachez que certaines choses ont été très mal formulées. Je vous encourage donc à lire la discussion qui a lieu en commentaires.

Je croyais que c’était passé, mais visiblement elle résiste par endroits, la mode du pervers narcissique. Il y a quelques mois, on entendait ça à toutes les sauces. Les articles de journaux venaient nous expliquer comment diagnostiquer son patron, son beau-frère, son ex — toujours des hommes — et comment cette culpabilité, ce mal-être que nous ressentions n’étaient pas liés à notre condition de sujet aux prises avec l’existence, non, mais à l’infâme manipulation dont nous étions les victimes. Ils étaient partout.

(Je ne dis pas que la souffrance est la faute du sujet, et je ne nie pas les difficultés auxquelles on est tous confrontés et qui nous font souffrir ; seulement, on a aussi notre part à jouer là-dedans.)

Évidemment, ça a pas mal marché, et on lisait çà et là des posts de blogs, des tweets, des articles de personnes qui se sentaient soulagées depuis qu’elles avaient débusqué le monstre. Tout s’explique, j’ai affaire à un PERVERS NARCISSIQUE. Pratique, hein.

Ce qui me choque, ce n’est pas tant que tout le monde soit devenu psychiatre, pas non plus que dans 90% des cas le diagnostic soit probablement erroné, c’est surtout que ce mot, apposé sur l’autre qui nous a fait souffrir, plutôt que de lui reconnaître, à lui aussi, une souffrance, il permet de le reléguer dans la catégorie du monstre, du différent, de celui avec qui je n’ai rien de commun.

« Nul besoin d’être un spécialiste clinicien* pour reconnaître chez cet homme une pathologie communément répandue chez les aspirants au pouvoir : les pervers narcissiques jouissent de la séduction qu’ils exercent et de la domination qu’ils infligent, une autre manière d’éprouver du plaisir. »

Ce terme, sous une apparence scientifique, raisonnable, clinique, cache la peur et la haine de l’autre, et le refus de voir en soi la faille. Lui, il est fou, moi non, et les vaches seront bien gardées. Avec le terme « pervers narcissique », on atteint un niveau de plus : il est fou, mais pas tant que ça au fond. Au fond, il est méchant. Tordu. Déviant. Parce qu’il « éprouve du plaisir ». Il est tellement monstrueux qu’il n’éprouve aucune culpabilité. Et c’est pas moi qui le dis, c’est la psychiatrie.

(Ah, et les tweets ravis de ceux qui s’empressent de dire : « Moi, j’ai jamais aimé son émission ! » — Genre, j’avais compris avant vous.)

En passant : le tableau décrit dans cet article évoque plus la paranoïa que la perversion, mais « paranoïaque », c’est pas assez sale. Puis ça pourrait lui supposer une souffrance, à ce monsieur, et il en est hors de question.

* Ben si, justement.