Hier soir, avec Danube, on a découvert que le bar un peu pourri au fond duquel on aimait bien aller se vautrer pour boire des bières, fumer des clopes et se plaindre sans aucune retenue sans que personne ne vienne nous emmerder, ce bar donc, s'était transformé en club vaguement lounge avec bougies et lumière bleue, serveur qui vous accueille à l'entrée et vous place, serveuse brune mêchue ressemblant à peu près à la minette qui vient se tortiller chez Ardisson quand le DJ vient faire son blind-test, musique fashion dance-raïolade qui prétend figurer un jour sur la compile de l'hôtel Costes, et des clients.
Des clients. On aura tout vu.
Et là. Les blondes. Quatre.
Quatre blondes qu'on aurait cru sorties tout droit d'une pub Jacques Dessange. Ou de le Minute Blonde, tout dépend du point de vue. Dans une symétrie parfaite, deux lisses-deux ondulées, cheveux d'une longueur indécente et jeans serrés, les blondes se faisaient draguer par le serveur fashion-chemise cintrée dans un concert parfait de rires de gorge écervelés et de battements de paupières parfaitement étudiés ; vulgaires se croyant très classes, elles devaient au moins être vendeuses chez Kookaï, clichés vivants buvant des cocktails fraise-banane à 8€.
Et moi, pauvre machin complètement abruti par une journée de merde et une crève fulgurante, le nez rouge et gonflé, les yeux parfaitement inexpressifs, bouche ouverte et cheveux emmêlés, reniflant sans arrêt et luttant pour ne pas tomber de ma chaise, qui les observais dans une sorte d'hébétude crasse tout en me mouchant dans mon Sopalin à motifs carotte-tomate absolument détrempé.
Des fois, mépriser un bon coup son prochain aide à se supporter. Oui je sais c'est pas bien.