Les mots de tous les jours : Bête
Araignée||samedi 7 novembre 2015||09:39 ||Lien permanent
En marchant sur les quais, je repense à ce mot. « Bête ». Je n'aime pas ce mot, je le trouve moche, sans intérêt. Et pourtant il a surgi dans mes paroles tout à l'heure, il y est revenu, il a insisté, comme s'il voulait se manifester, attirer mon attention. J'ai dit : je me sens doublement bête. Bête parce que mon intelligence est limitée, par définition. Bête aussi, parce que je n'arrive pas à me décoller des mots, à attraper les choses autrement que par mon intelligence justement. À renoncer à comprendre. Je repense à l'analyste d'Emmanuel Carrère qui lui dit : « Mais pourquoi faut-il que vous soyez si intelligent ? »
Le mot bête est intimement lié au mot honte. J'ai honte, souvent, je me sens bête, souvent. Me sentir intelligente me permet de ne plus avoir honte. Mais se contenter de cette logique, c'est accepter de naviguer entre deux écueils, de se laisser ballotter au gré du bon vouloir de l'Autre, celui qui jugera. L'Autre à l'intérieur de moi.
Je souris en prenant conscience du double sens du mot bête. Les bêtes, disons que ça m'a pas mal occupée ces derniers temps, avec cette réflexion autour du véganisme. Être une bête, c'est-à-dire ne pas être ligoté par le langage, serait-ce un sort enviable ? Je sens bien d'ailleurs que j'avance sur cette question avec mon intelligence, j'argumente avec ma logique, les faits dont j'ai connaissance. Pour contrer la honte, celle d'être différente, celle d'affirmer ma singularité, j'en appelle à la raison.
Parfois je sors d'une discussion en ayant l'impression d'avoir gagné, puisque je suis venue à bout des arguments de l'autre. Mais il y a toujours un reste, un arrière-goût, une impression d'être complètement passée à côté.
Alors que je marche, que je tourne tout cela dans ma tête, me revient brutalement la scène, que j'avais oubliée. Je suis assise en face d'une vieille dame. Elle me crie dessus. « Vous êtes bête ! Bête ! Vous n'êtes pas faite pour ce métier. Vous êtes bête ! » Ça continue. Elle répète ce mot, encore et encore. Je me tais, j'attends. J'essaie de ne pas me laisser envahir par l'angoisse. Je pense que ça la soulage, elle dont la situation est révoltante. Elle me dit la vérité. Je l'ai abordée comme si c'était elle qui était bête, démente.
Merci Madame.
Commentaires
Le sujet de l'intelligence.... Déjà, je ne saurais que trop te conseiller de ne pas t'autoriser à culpabiliser quant à ta limitation dans ton niveau "purement biologique" d'intelligence, parce qu'il s'agit d'un sujet sur lequel tu ne vas rien pouvoir changer (à moins de te greffer un autre cerveau ou un truc du genre ^^) : toute réflexion est vaine à ce sujet, tu ne peux pas laisser tes sentiments et ta logique te faire culpabiliser sur quelque chose que tu ne vas pas pouvoir changer. Après, je pense aussi que cette culpabilité est aussi le fruit de notre société : on a l'impression que c'est cette capacité à tout comprendre qui va nous permettre de nous en sortir (à l'école on est jugé sur cette espèce de notion d'intelligence etc.) mais de que j'en vois, notamment en politique, il n'en est rien. Accepter la limitation de ton intelligence peut aussi te permettre d'envisager les conversations sous un autre angle : discuter pour s'enrichir et découvrir de nouvelles notions, tout en communiquant ton propre savoir, c'est à dire être dans une démarche d'échange. Aucun, mais alors aucun intérêt à discuter dans le but de se rassurer quant à son intelligence. Perso je vois ça comme une manifestation de mon manque de confiance en moi, ou comme une pure manifestation de mon ego : en plus de te faire sentir mal dans 90% des cas, tu n'apprends rien et ne saisis pas la possibilité de t'enrichir intellectuellement (donc pas de devenir plus intelligent mais plus sage peut être?). Après, il faut être deux pour échanger : on a trop souvent en face de nous des gens comme nous qui cherche à se rassurer. Et on arrive au point le plus difficile pour échapper à ces conversations "inutiles" (puisque qu'on échange pas, on écoute l'autre uniquement pour rétorquer de façon systématique) : accepter de montrer à l'autre qu'on est pas si intelligent, mais que du coup c'est un plaisir d'apprendre de l'autre. C'est montrer un certaine vulnérabilité qui implique aussi qu'on autorisera pas l'autre â nous dénigrer.
Mon commentaire doit être rempli de fautes d'orthographe et pas très organisé, j'écris tout ça de mon téléphone. Mais je voulais quand même réagir.
Je te souhaite une belle journée!
Merci pour ton commentaire :) Oui, laisser la place à l'autre, c'est LA question qui m'occupe en effet !